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Chaque matin, je me réveille dégoûté de moi-même, de ce que j’ai fait la veille. Je me dis : “Aujourd’hui, je changerai.” Si mon mal de tête est violent, j’ajoute : “Pierre, il est temps de prendre le chemin de la sainteté.” Je vais au club et je regarde jouer aux cartes. Je ne commande qu’un verre d’eau pour me prouver comme je résiste à la tentation. Un ami s’approche et me dit : “Buvons une vodka, Pierre.” Le lendemain, j’ai un peu plus mal à la tête et je suis plus pauvre. -Certaines choses doivent vous intéresser. -Oui, je voudrais savoir. -Savoir quoi ? -Tout savoir. Pourquoi connaissant le bien, je continue à faire le mal ? Je voudrais savoir ce qu’est le bonheur et ce que représente en vérité le malheur. Je voudrais savoir pourquoi les hommes font la guerre et ce qui peut se cacher au fond de leur coeur, quand ils prient Dieu. Je voudrais savoir ce qu’on ressent en disant “je t’aime”. Vous voyez, j’ai largement de quoi m’occuper. Vous devez avoir du mal à comprendre ce que je dis. Tout est simple pour vous. Vous savez exactement ce qui est juste. -Exactement ? -Vous êtes si différent de moi. Vous étudiez, tout devient clair. J’étudie, tout devient obscur. Vous aimez, vous vous mariez. Vous agissez. Il y a une guerre, vous vous battez. -Ce serait bien, si je ressemblais à ce portrait. -Il est fidèle. -Vous avez tort. -Moi, pas vous. -Savez-vous pourquoi je pars pour la guerre ? Parce que je pense que Napoléon est un monstre ? Croyez-vous que je pense qu’on doit aller combattre à km de Moscou ? Croyez-vous que j’envisage un bel avenir après la guerre ? -Pourquoi y allez-vous ? -Parce que j’ai épousé une femme aimante et séduisante et que c’est odieux. Ne vous mariez jamais, Pierre. Si vous ne pouvez l’éviter, attendez d’être usé. Sinon, tout ce qu’il y a de noble en vous sera perdu et votre vie sera gaspillée en bêtises. Ne me regardez pas ainsi. Vous parliez de Bonaparte et de sa carrière. S’il s’était marié jeune, il serait encore demi-solde à Marseille, il porterait l’ombrelle de sa femme, il inviterait des imbéciles pour satisfaire sa femme.



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